Sergo & Khvtiso déplacés à Gori en 1992 suite à la première guerre d’Ossétie du Sud


C’était le 15 août 2017,

Aujourd’hui, MicroCamp Radio vient réaliser un atelier radio avec des personnes déplacées de Géorgie originaires de l’Ossétie du Sud.

Nous sommes à Gori, à quelques kilomètres de la ligne de démarcation avec cette région occupée par la Russie et qui revendique son indépendance. La Russie a envahi l’Ossétie du Sud à deux reprises – en 1993 et en 2008 – causant l’exil de centaines de milliers de personnes. Ces personnes vivent depuis dans des villages et communautés de l’autre côté de la frontière, dans l’attente sans fin du retour.

Nous sommes accueillis dans le centre social pour personnes déplacées géré par l’association Consent ; Sergo et Khvtiso, habitués du lieu, s’assoient avec nous. La discussion commence par des souvenirs de radio… qui évoquent d’autres souvenirs, et un autre temps : celui de l’Ossétie, de l’URSS et du quotidien à l’ère soviétique.

Quelques paroles hors-antenne avant l’émission…

Sergo : « Quand j’avais 10 ans, je tendais un fil entre un radiateur et ma langue pour capter la radio. Je captais Radio Moskva (Moscou), il n’y avait que de la musique ringarde. Dans les années 90, on habitait dans les cuisines car c’était le seul endroit de l’appartement où il faisait chaud, il n’y avait pas de chauffage. On y faisait tout, dans les cuisines : dormir, faire les devoirs… Mon grand-père lui avait une radio rouge sur quatre pieds, imposante, je n’avais pas le droit d’y toucher.”

Khvtiso : “En 2003, le centre communautaire avait sa propre chaîne de radio. Je coordonnais quelques programmes, je me souviens qu’une émission racontait des histoires aux enfants le soir pour qu’ils s’endorment.”

Sergo : « Ma passion, c’est les meubles. C’est venu à 13-14 ans, il était nécessaire de créer dans les conditions de vie à l’époque. Notre appartement était tout cassé, je me suis mis à bricoler. J’ai ouvert mon atelier ensuite, car c’était dans les meubles que j’étais le meilleur. C’était comme ça à l’époque: on ne faisait pas vraiment de choix, on trouvait plutôt des manières de survivre. Pourtant, les relations étaient chaleureuses. Aujourd’hui, même si les conditions de vie sont plus faciles, nous avons perdu cette chaleur.

Nous avons gagné la liberté, mais en perdant sa qualité.

Khvtiso : “Je ne suis pas d’accord avec toi. Au contraire, sous le régime soviétique, nous ne pouvions que faire, tandis qu’aujourd’hui les jeunes ont la possibilité d’accomplir, de se réaliser.

Il a lui aussi envie de nous interroger, et – ce qui nous surprend – sur les fables et les mythes. Est-ce que les fables et mythes en France créent l’identité française ? Est-ce que l’on s’identifie à Jeanne d’Arc ?… Que pense-t-il de notre identité aujourd’hui, de notre rapport à l’immigration ?… nous tentons de répondre, et lorsqu’on lui demande pourquoi il nous pose ces questions, il nous dit : « les rêves, les fables sont intouchables. Ils sont la mesure de la liberté de quelqu’un, et d’une société ».

La discussion est lancée et se poursuit avec les micros sur le déplacement, le rapport à leur région quittée, leurs relations et leurs espoirs de retour A écouter dans cette émission !