De l’autre coté du micro – Emmanuelle

Chaque mois, à travers la newsletter, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un·e membre de Radio Activité.

Que fais-tu quand tu n’es pas en atelier avec Radio Activité ?
Je suis étudiante en Master 2 de recherche en géographie à L’EHESS et je suis aussi en service civique aux Amarres, un tiers-lieu associatif et je m’occupe aussi de Radio Tintamarre, la radio des Amarres. Une boite qui a été installée par Radio Activité. Le projet de base de la radio c’est de faire le lien avec les personnes qui fréquentent le lieu, mais le cœur c’est les ateliers dans le hall de l’accueil de jour avec les personnes viennent répondre à mes questions. Les Amarres est un lieu temporaire alors je me lance dans un portrait sonore pour archiver le lieu. Je fais aussi de la photographie et du documentaire vidéo. Je fais un mémoire sur les collages féminicides à Paris qui est un mouvement féministe intersectionnelle, qui au début collait sur les féminicides et aujourd’hui colle sur plusieurs luttes. Notamment féministes, mais aussi sur les Ouïghours par exemple. Les affiches avec les slogans en noir sur feuilles blanches souvent. Je fais mon mémoire sur ça en géographie, sur l’appropriation de la rue, sur comment les personnes par leur présence et leurs actions peuvent s’approprier la rue.

Quel a été ton parcours à Radio Activité ?
Durant mes études je devais faire un stage et je cherchais un stage dans la recherche mais c’était compliqué d’en trouver un. J’avais contacté Migreurope qui sont des chercheurs qui produisent de la littérature sur la migration aux frontières, donc une recherche-action assez engagée, ces personnes m’ont donné le contact d’une personne qui avait un podcast sur les personnes exilées mais qui ne pouvait pas non plus prendre de stagiaire. Elle m’a donnée le nom de Radio Activité et je suis allée sur le site, j’ai beaucoup aimé ça m’a plus j’ai contacté Radio Activité qui n’avait jamais pris de stagiaire mais l’équipe était partante pour débuter avec moi, alors ça s’est fait. J’ai commencé en tant que stagiaire, puis j’ai été salariée pendant l’été et maintenant je suis bénévole.
En tant que salariée et stagiaire je faisais un peu de tout : j’animais des ateliers, je faisais du montage, je m’occupais un peu de la com sur Instagram et j’ai beaucoup bossé sur le projet Madeleine de Sinéty, j’ai fait pas mal de retranscription. Pour ce projet qui était une commande du musée de Bretagne j’ai été à Poilley avec Silvia on a fait des entretiens avec les habitant·e·s et je suis allée à l’inauguration de l’exposition c’était un très beau projet. Après ça, on a été à Longueur d’Ondes présenter le projet. Madeleine de Sinéty est une photographe qui a vécu dans un village qui s’appelle Poilley en Bretagne dans les années 70 il me semble. Elle est restée longtemps dans ce village, elle vient d’une famille aristocrate et elle a vécue dans un château et elle expliquait que dans ce château elle vivait la vie rurale au loin. Cela l’a fasciné alors elle y a attirée, elle est restée vivre une trentaine d’année jusqu’à sa mort. Elle vivait entre Poilley et les États-Unis. Elle s’est intégrée de façon extraordinaire dans ce village et tous les habitant·e·s ont une histoire sur elle et du coup nous, on a été faire un entretien avec les habitants du village pour créer un enregistrement sonore qui allait être diffusé pendant l’exposition en même temps que ses diapositives déroulaient. Elle voulait faire des photos sur Poilley qui se transformait avec le début de la révolution agricole, donc il commençait à avoir des tracteurs et à Poilley ils étaient encore avec les ânes qui tiraient les charrettes.

Quels ateliers t’ont marquée ?
Il y en a pleins mais je pense qu’une des premières c’est Calais. Il y a deux ans, on a installée un mini studio radio à Calais et on a formé une équipe de bénévoles du Secours Catholique sur comment faire de la radio. La radio s’appelle la CBB. Pour moi c’était la découverte de Calais, d’être dans un endroit où il y avait de grosses problématiques d’exil qui a bouleversé beaucoup de choses en moi et à la fois je m’y suis sentie à l’aise paradoxalement. Il y a plein de barbelés et plein de policiers mais j’ai senti qu’il y avait de la part des bénévoles du Secours catholique beaucoup d’entraide. Il y a eu des moments aussi sur la résidence d’été à Rostrenen qui m’ont marqué, on a fait des ateliers dans un hébergement pour personnes exilées et on a été en atelier qu’avec des femmes en petit groupe. On a fait un atelier où on a pris des images et le but c’était de dire ce qu’on voyait dessus. Les femmes s’était beaucoup livré au micro, c’était bouleversant et intense. Après elles nous ont demandé de ne pas le diffuser, on leur a dit qu’il n’y a pas de problème. C’était vraiment un moment intime pour elles, elles ont partagé quelque chose de fort et je me suis sentie très reconnaissante qu’elle veulent bien nous le partager et j’espère que ça leur a fait du bien qu’on les écoutent partager des moments difficiles pour elles.

Quel est ton rapport à la radio ?
J’ai commencé en détestant la radio. Quand j’étais petite j’écoutais mes parents écoutaient beaucoup la radio le matin. Moi le matin j’avais besoin de calme alors ça me dérangeait fortement donc je détestais la radio. Donc j’ai jamais trop écouté la radio finalement avant radio activité. Et même encore je l’écoute pas trop, parfois je la mets en fond sonore. J’écoute plutôt des podcasts donc je connaissais pas trop la radio, encore moins la radio associative. J’ai découvert une autre façon d’avoir des projets associatifs et créatifs mais sinon je dirais que j’ai pas de rapport à la radio finalement. En même temps dans Radio Activité, il y a bien le mot radio, mais c’est pas la radio. C’est vraiment le moment de faire de la radio, de rendre la parole qui importe, que faire une émission. J’ai beaucoup écouté au début des podcasts pour apprendre des choses et maintenant je m’intéresse beaucoup à l’aspect créatif, j’ai découvert récemment des podcasts documentaires sonores et je me suis dit que j’aimerais beaucoup faire ça, comme pour le documentaire faire écouter certaines voix. J’aime beaucoup l’épisode du podcast l’insomniaque sur le gendarme et le voleur, ça montre ce que permet le podcast. Sans l’image le cambrioleur peut parler de certaines choses.

Qu’est-ce qui te plait dans les ateliers radio ?

J’aime avant tout passer un moment qui est chouette. J’ai beaucoup fait d’ateliers radio et j’en fait encore aujourd’hui avec des personnes réfugiées. Dans leur quotidien elles ont beaucoup d’administratif, un passé traumatisant. C’est un peu une bulle et un moment d’évasion, on peut aussi parler de sujets plus lourds mais d’une autre manière. Je suis une personne blanche et j’ai conscience des rapports administratifs, policiers ou autoritaire donc les ateliers radio permettent de proposer une approche autre et de discuter tout simplement. D’avoir des sourires, de rire. L’outil radio permet que tout le monde s’écoute, on se pose des questions et ça crée un moment de parole privilégié. C’est ce qui est important dans les ateliers radio.

Qu’est-ce que tu aimerais faire à RA ?
J’aimerais refaire une résidence. Pour moi ça avait été une expérience trop chouette, parce que ça crée un temps de rencontre avec les autres bénévoles. On s’inscrit vraiment dans un territoire on a l’impression d’être vraiment connecté aux gens de plein de bulles différentes, de prendre part à la vie du village et de faire se découvrir des personnes qui n’auraient pas forcément communiqué. Comme vous, vous étiez à la maison de retraite, nous on a été avec des personnes exilées, avec des jeunes de la mission locale, avec des personnes d’un groupe d’entraide. On a vu toutes ces personnes à la fête le samedi et c’est pas forcement des personnes qui communiquent entre elles.

J’aimerais aussi participer à des ateliers radio dans le milieu rural, on en fait dans les villes. J’adore le documentaire sonore et j’aimerais bien plus le faire dans radio activité, plus m’amuser avec le son. J’aimerais aller à Briançon et Calais qui sont des zones tampons pour les personnes exilées, et participer à donner des informations. Dans ces lieux la radio à toute sa place.

Un dernier mot ?
C’est le moment violon. Je veux trop dire merci à Radio Activité, car mon expérience dans l’asso a donné la direction aux expériences que j’ai aujourd’hui. On m’a vraiment donné ma chance dans une ouverture, une écoute et un apprentissage doux et qu’on me donne la possibilité de voyager et c’est des choses que j’aurais pas pu faire par moi-même. Et j’ai envie de vous dire merci parce que c’est rare aussi d’avoir des personnes avec autant d’écoute.