Installation du studio-radio mobile à Calais

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30 & 31 janvier 2018. Emissions en français, arabe et dari.

Aujourd’hui, nous sommes à Calais. Nous déposons un studio radio mobile et formons des salariés et bénévoles du Secours Catholique pour qu’ils accompagnent des exilés dans la création de leurs propres émissions de radio.

A notre arrivée, Jacky nous attend à l’extérieur de la gare de Calais. Il trouve à ses pieds une carte plastifiée. A l’intérieur, un badge d’un journaliste de TF1 : comme souvent Calais est « au cœur de l’actualité ». Près de 11 ans que Jacky est salarié au Secours Catholique. Au début, le Calaisien accompagnait les demandeurs d’asile dans leurs démarches administratives et puis, il est devenu animateur auprès des exilés. Dans la voiture en route vers l’accueil de jour de la rue de Moscou, Jacky raconte que la situation ne cesse d’empirer depuis le démantèlement de la « jungle ». Les exilés sont près de 800 à dormir dans des tentes dans la zone industrielle des Dunes, rue des Verrotières et dans deux autres endroits. Les violences contre les bénévoles et les exilés se multiplient. La mairie a aussi expulsé le Secours catholique de son ancien local. « Tant mieux finalement, le nouveau est beaucoup mieux », rit Jacky. Le nouvel accueil de jour est donc à 3 kilomètres de la zone industrielle où dorment les exilés, cela correspond à une quarantaine de minutes de marche. « Mais au moins, il est dans le centre. Ils sont un peu moins exclus de la ville et cela permet de toucher plusieurs communautés différentes», précise Jacky. Les exilés peuvent s’y réchauffer pendant toute l’après-midi et oublier un moment la boue qui trempe leurs chaussures.


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Nous installons le matériel radio dans une petite salle de l’accueil de jour. Françoise, Véronique, Anaëlle, Jacky et Maria-Vittoria nous rejoignent. Notre rôle aujourd’hui est de leur apprendre à devenir des « facilitateurs », c’est-à-dire à créer une conversation radiophonique et à favoriser la prise de parole de tous. Nous faisons une série de jeux et exercices pour définir les objectifs et pratiquer.

Quelques heures plus tard, le studio-mobile radio arrive de Paris en voiture. L’équipe du Secours catholique se presse autour de cette table en hêtre, radiophonique et transportable. Les micros sont installés. Tout le système son est calfeutré, seuls quelques boutons colorés dépassent pour permettre une utilisation facile et une diffusion en direct, sur internet. Ce prototype a été créé entre mars et juillet 2017 par Alexandre Plank, réalisateur à France Culture, Mathieu Touren, opérateur du son à Radio France et une quinzaine d’étudiants de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI-Les ateliers) avec leur enseignant Roland Cahen. Le prototype devrait rester à Calais pour quelques mois.

Pendant que l’équipe termine les réglages du studio, les bénévoles et salariés du Secours Catholique, s’emparent de micros afin de prendre en main le matériel et de réaliser des interviews des exilés. Nous entrons dans la salle principale de l’accueil de jour. Des soudanais, iraniens, afghans s’y retrouvent pour passer le temps, se réchauffer, boire du thé, se reposer et recharger les batteries de leur téléphones. Une salle est dédiée entièrement aux femmes Assis sur un banc, trois garçons iraniens discutent en jouant un jeu de pions. Jacky s’approche et leur demande en farsi leur premier souvenir de radio. Il doit poser les questions en français, les traduire en farsi, tendre le micro à son interlocuteur, puis traduire à nouveau. Il s’emmêle un peu les pinceaux et souffle quand l’entretien s’achève. « Pas facile » ! Un peu plus loin, des exilés se coupent les cheveux dans un salon de coiffure improvisé. Toute timide, Maria-Vittoria interroge un homme kurde syrien pendant que Véronique enregistre sa conversation avec un jeune soudanais en mêlant le français et l’anglais.

Le lendemain, nous écoutons religieusement ces petits micro-trottoirs, cherchons comment améliorer les questions, l’écoute et élaborons des clefs pour transmettre l’envie de la radio aux exilés. L’objectif est qu’ils s’interrogent eux-mêmes, les uns les autres sans notre intervention. Maria nous rejoint pour participer à cette formation. Elle est accompagnée de Loup Blaster, auteure du film AL HURRIYA الحریة – Freedom – Liberté.

L’après-midi nous présentons aux exilés le studio radio mobile. Véronique prend la parole, Hisham et Jacky traduisent en farsi et arabe. Des exilés s’assoient à la table-radio pour discuter dans les micros. L’équipe du Secours Catholique est accaparée par la technique du studio. Ils paniquent un peu, persuadés que quelque chose cloche. Pourtant tout est opérationnel. Finalement, les exilés discutent et les craintes des bénévoles s’apaisent. La première émission avec ses hésitations et petits ennuis techniques est diffusée en direct. Les exilés décident de  la consacrer au règlement Dublin. Cette procédure oblige un exilé à déposer ses empreintes dans le premier pays européen qu’il traverse. Il sera alors contraint d’effectuer toutes ses démarches administratives dans ce pays quelques soit ses envies et objectifs. Ce protocole peu adapté aux réalités des exilés contraint certains d’entre eux à se bruler les doigts pour faire disparaitre leurs empreintes.

Un peu plus tard, Françoise s’est installée à la technique. Dos à la fenêtre, casque recouvrant ses oreilles, elle lève et abaisse délicatement les boutons pour régler le volume de l’enregistrement. Elle a un sourire en coin. Elle est concentrée. Jacky s’installe avec deux Iraniens d’origine afghane autour du studio-mobile. La conversation en farsi est très intime. L’homme exilé se souvient au micro de son père en train d’écouter la BBC à Téhéran. Lui avait 4 ans. En plein direct, Véronique intervient doucement pour demander si l’homme peut réciter un poème ou chanter.

Fin de journée, les exilés quittent l’accueil de jour. Le lendemain, dans un contexte toujours plus tendu entre exilés, forces de l’ordre, gouvernement et associations, de violentes bagarres éclatent lors d’une distribution de nourriture et font une vingtaine de blessés.

Face à cela, l’accueil de jour du Secours Catholique est un espace de répit ouvert à tous. Les bénévoles et salariés s’échinent à accompagner du mieux possible les exilés et leur rendre la vie plus paisible. Ils voient le studio-mobile radio comme une manière d’être encore plus proches des exilés, de pouvoir accéder à leur parole sans filtre. Cet objet pourra aussi faire entendre leurs voix sur des thèmes qu’ils veulent au monde, à leur famille et aux responsables politiques.

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